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Annie Lacroix-Riz, Le Vatican, l’Europe et le Reich : De la Première Guerre mondiale à la guerre froide 1914-1945
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Annie Lacroix-Riz, Le Vatican, l’Europe et le Reich : De la Première Guerre mondiale à la guerre froide 1914-1945, Paris, Armand Colin, Nouvelle édition refondue, 2010

Article mis en ligne le 21 octobre 2017
dernière modification le 27 avril 2018

par Ni dieu ni maître
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Lu sous
http://www.revue-interrogations.org/Annie-Lacroix-Riz-Le-Vatican-l

Au début du XXe siècle, l’allié privilégié du Vatican reste le vieil Etat habsbourgeois, la double monarchie austro-hongroise, profondément catholique, qui a été en son temps le fer de lance de la Contre-Réforme en Europe centrale. Mais ses deux bêtes noires sont d’une part la Russie tsariste, épicentre de l’orthodoxie honnie, d’autre part la France qui, autour de 1860, a pris une part décisive à l’unification italienne, qui va réduire le Vatican à l’Etat territorialement croupion qu’on connaît aujourd’hui et qui, après l’adoption des lois de séparation des Eglises et de l’Etat de 1905, n’est pas loin d’incarner l’Antéchrist pour la Curie romaine.
[...]
Aussi lui faut-il bien consentir à l’alliance des Habsbourg avec les Hohenzollern, fussent-ils luthériens. Et dès août 1914, ce sont bien les Empires centraux que le Vatican soutient, en se faisant notamment le défenseur de leurs revendications territoriales. Le cours de la guerre allait cependant rapidement le convaincre que, des deux Etats de langue allemande, c’était bien l’Allemagne la plus solide, même dans la défaite. C’est donc à cette dernière que le Vatican va dès lors lier le destin de sa politique extérieure. Pour faire face à une France que sa victoire semble avoir encore renforcée et une Russie désormais livrée à l’athéisme bolchevique, le Vatican va tout faire de ce qui est en son pouvoir pour alléger le poids des sanctions (notamment territoriales et financières) ordonnées par le traité de Versailles contre l’Allemagne, tout en préparant déjà le terrain de la revanche, par la dénonciation du dit traité et son appui à l’autonomisme et à l’irrédentisme dans les territoires catholiques arrachés aux Habsbourg et aux Hohenzollern, le Vatican allant jusqu’au comploter contre la Pologne, pourtant catholique et antibolchevique, parce que sa renaissance s’est faite notamment par réunion de tels territoires.

Dans cette nouvelle configuration, le Vatican va chercher un appui sinon un allié dans les Etats-Unis d’Amérique, dont l’intervention dans la guerre a commencé à faire un acteur de la scène politique européenne.

Au centre de toutes ces manœuvres se trouve Eugenio Pacelli, nommé nonce apostolique (représentant du Vatican) à Munich en mai 1917, fonction étendue à toute l’Allemagne après la défaite, l’artisan du concordat avec l’Allemagne (1924). Il deviendra secrétaire d’Etat du Vatican (une fonction qui cumule celle de Premier ministre et de ministre des Affaires Etrangères), avant d’être élu pape en mars 1939 : ce sera Pie XII.

Lorsque Hitler arrive au pouvoir en janvier 1933, en dépit des tendances anticatholiques et plus largement antichrétiennes du régime hitlérien, le Vatican trouvera en lui son champion.

Il appuiera tous ses projets d’expansion territoriale, d’abord « pacifiques » (à commencer par l’Anchluss, l’absorption en 1938 d’une Autriche déjà largement nazifiée par l’Allemagne nazie, ardemment désirée par la Curie romaine, qui neutralisera l’opposition de l’Italie mussolinienne en l’occurrence) puis guerrières, à l’Ouest (au détriment des Pays-Bas, la Belgique et la France), au Nord (Danemark et Norvège) et à l’Est (Pologne puis Russie). Avec le déclenchement de l’opération Barbarossa (nom de code de l’invasion de la Russie – juin 1941), autrement dit de la guerre d’extermination du « judéo-bolchevisme » dans l’Est européen, que le Vatican présentera quelquefois quasiment comme une guerre sainte, d’autant plus qu’il espère pouvoir ainsi faire entrer dans son giron l’Eglise ukrainienne uniate, il n’aura plus pour le régime nazi que les yeux de Chimène. Des yeux qui se fermeront volontiers pour ne pas voir les pires crimes et génocides de masse dont le régime nazi va se rendre coupable, à commencer par ceux des juifs et des Roms, fussent-ils accomplis aux portes mêmes du Vatican, comme lors de la déportation des juifs de Rome à l’automne 1943.